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Photo du rédacteurClemens de Souza

Le télétravail au Togo : mode d’emploi

Dernière mise à jour : 31 mai 2020

Le Ministre de la Fonction Publique et du Travail,  prenant la parole sur la Télévision togolaise (TVT) à la suite du discours du Président de la République le 1er avril 2020 a évoqué le télétravail comme un moyen pour les entreprises de respecter les gestes barrières dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cette évocation est confirmée par le guide pratique de l’état d’urgence sanitaire publié par la Présidence de la République, dans lequel on peut lire : « le télétravail est privilégié par les entreprises, les institutions et les services publics et administratifs dans la mesure du possible. »Le gouvernement togolais encourage ainsi le télétravail comme un moyen (en plus des mesures de restriction prises pour lutter contre le Covid-19), d’empêcher la propagation du virus. Mais, qu’est-ce que le télétravail ? Comment est-il organisé ? Comment  fonctionne-t-il ? Quels sont les droits de l’employé qui fournit son activité professionnelle en télétravaillant ? Comment l’employeur interagit avec l’employé à distance ?Ces questions méritent d’être abordées pour appréhender les questions juridiques liées à cette forme d’organisation particulière du travail usitée ailleurs et nouvelle dans notre contexte national mais que le Covid-19 a aidé à mettre en lumière.


  1. Le cadre juridique du télétravail

Le télétravail n’est pas prévu par la législation du travail au Togo.

En droit français, le télétravail a d’abord trouvé une définition dans un cadre conventionnel européen à la suite de négociations entre organisations patronales et organisations syndicales. Les dispositions de cette convention ont été transcrites au niveau national français par un accord interprofessionnel entre les organisations patronales et les organisations syndicales. L’Etat n’était intervenu dans un premier temps que pour étendre l’accord interprofessionnel à certains secteurs et le rendre obligatoire à « une très grande majorité des entreprises ». L’Etat a, dans un second temps, définitivement pris le relais des organisations du travail en fixant un cadre légal clair.

En l’absence d’un cadre légal défini au Togo, le télétravail ne peut trouver sa place que dans la convention des parties, employeur-employé, la crise sanitaire ne pouvant laisser de place dans l’immédiat aux accords collectifs.

  1. Définition du télétravail

Le vocable « télétravail » est un néologisme formé du suffixe « télé » et du mot « travail » qui est enfanté par le développement des moyens technologiques modernes. Il exprime une délocalisation du travail qui d’ordinaire est exécuté dans les locaux de l’employeur (généralement le siège principal ou secondaire de l’entreprise, l’atelier, l’usine etc.). Le télétravail recouvre une notion de distance  qui place l’employé loin de l’employeur à travers des moyens de télécommunications.

L’accord-cadre européen du 16 juillet 2002 et l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 stipulent: « Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière  ».

Le législateur français a adopté la même définition : « le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication  »

Le télétravail est une organisation de travail convenue entre l’employeur et l’employé en vue d’exécuter l’activité professionnelle à distance en dehors des locaux de l’entreprise au moyen des technologies de l’information et de la communication.

  1. Une mise en place conventionnelle du télétravail

Face à la crise de Covid-19, de nombreuses entreprises togolaises ont demandé à une partie de leur personnel de travailler depuis leur domicile et de continuer à fournir leur prestation de travail via les technologies de l’information et de la communication..

Dans un contrat de travail, le lieu de son exécution est toujours précisé. La modification éventuelle de ce lieu est également souvent anticipée par une clause réservant le droit à l’employeur de désigner un autre lieu d’exécution du travail. Mais le domicile du salarié ne fait pas partie des lieux envisagés par les parties. De plus l’exécution du travail au siège de l’entreprise ou dans un autre lieu désigné par les parties s’entend toujours d’un travail en présentiel.

Le télétravail est une réorganisation particulière de la fourniture de la prestation du travail, une modification substantielle du contrat de travail, qui porte non seulement sur la manière dont le travail va être exécuté mais aussi sur le lieu où l’activité professionnelle va se dérouler.

Le code du travail en son article 76 prévoit que « toute modification de caractère individuel apportée aux éléments du contrat de travail, doit, au préalable, faire l’objet d’une notification écrite à l’autre partie.

Lorsque la modification est substantielle et qu’elle est refusée, la rupture du contrat est imputable à la partie qui en a pris l’initiative. » L’article 11 alinéa 1er de la Convention Collective Interprofessionnelle du Togo cite parmi les éléments du contrat de travail dont la modification  requiert le consentement de l’autre partie, « le lieu de travail ».

L’exécution du travail à domicile par télétravail exige donc le consentement express de l’employé. La cour de cassation française avait retenu que « l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles, constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat; si le salarié qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile».

L’écrit est également incontournable pour aménager les règles du télétravail notamment la mise à disposition de l’employé des moyens logistiques.

La meilleure manière pour l’employeur de s’assurer du consentement de l’employé est de signer un avenant avec l’employé. La Cour de cassation française a jugé que « la mention sur le contrat de travail que ce contrat s’exécutera au siège de la société n’exclut pas que les parties aient pu convenir d’un mode d’organisation du travail de la salariée en tout ou partie en télétravail». En d’autres termes, en l’absence d’écrit, les juges appliqueront le principe de la réalité en se basant sur les faits. La preuve étant faite par tous moyens selon l’article 37 du code du travail.

  1. La fourniture des outils de travail par l’employeur

L’une des obligations de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail est la mise à la disposition de l’employé des outils de travail. Ainsi, les moyens logistiques doivent être fournis par l’employeur en cas de télétravail : l’employeur doit fournir notamment les équipements nécessaires à l’exécution du télétravail, l’accès aux technologies de l’information et de la communication.

« L’utilisation par le salarié de son domicile génère de nombreux frais fixes (loyer, taxes diverses, charges de copropriété, assurance de l’habitation) et frais variables (dépenses de chauffage, d’électricité) ». La Cour de cassation française a admis que l’employeur doit indemniser l’employé de « cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile». Il est utile pour les deux parties que ces frais fassent l’objet d’une convention pour déterminer les frais réels générés par l’activité professionnelle de l’employé. L’employeur peut les avancer ou les rembourser sur justificatifs.

L’employeur doit en outre veiller à l’entretien et à la maintenance des équipements fournis à l’employé. L’employeur doit informer l’employé des règles d’utilisation du matériel de travail.

L’employé de son côté doit utiliser les équipements et matériels mis à sa disposition en bon père de famille et exclusivement pour l’exécution du travail convenu.

Il peut arriver des cas dans lesquels l’employé utilise son propre équipement. L’employeur est tenu alors d’en assurer « l’adaptation et l’entretien (c’est-à-dire les coûts de mise à jour du matériel et des logiciels nécessaires à l’exercice du télétravail) ».

  1. Le temps du travail de l’employé en télétravail

La durée maximale du travail au Togo est fixée à quarante (40) heures par semaine. La répartition de cette durée de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur. Cette répartition est, soit fixée dans le règlement intérieur de l’entreprise, soit précisée dans le contrat individuel signé avec l’employé. Dans le cadre d’un télétravail, l’employeur et l’employé peuvent déterminer les heures de travail ou convenir de modalité de quantification du travail de l’employé. Dans la pratique observée ailleurs, l’employeur pour exercer son contrôle et sa surveillance, définit avec l’employé les plages horaires pour communiquer avec lui. L’employeur et l’employé peuvent aussi adopter un système de forfaitisation du temps. L’employeur doit toujours garder à l’esprit les dispositions de l’article 118 du code de travail qui rappellent que « les méthodes d’évaluation des emplois doivent reposer sur des considérations objectives basées essentiellement sur la nature des travaux que ces emplois comportent. »

  1. Santé de l’employé pendant le télétravail

Le salarié en télétravail à domicile peut rencontrer des problèmes de santé tout comme le travailleur qui doit se rendre dans les locaux de l’entreprise.

En cas de maladie, le télétravailleur doit respecter les règles prescrites par les lois et règlements en vigueur notamment les dispositions de la Convention Collective Interprofessionnelle du Togo qui prévoient que le travailleur malade fasse constater son état par le service médical de l’entreprise dans un délai de 48 heures. Dans l’hypothèse où le travailleur n’a pas pu se rendre au service médical de l’entreprise, « il doit, sauf cas de force majeure, avertir l’employeur du motif de son absence dans un délai de 72 heures suivant la date de l’accident ou de la maladie. Cet avis est confirmé par un certificat médical à produire dans un délai maximum de six jours, à compter du premier jour de l’indisponibilité. »

En outre, l’employeur, conformément aux dispositions légales et réglementaires, doit garantir des conditions et les mesures générales d’hygiène, de sécurité et de santé au travailleur en télétravail à domicile.

« L’ensemble des dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité sont applicables au télétravailleur. L’employeur doit veiller à leur strict respect ».

  1. Conclusion

Le télétravail dans le contexte togolais de Covid-19 est un concept nouveau dont le contour ne peut globalement être apprécié que sur le long terme. Il pose un certain nombre de questions juridiques que cette brève présentation n’a pas épuisées. Il y a des emplois comportant des travaux qui ne pourront pas être exécutés en télétravail. D’autres peuvent alternativement être exécutés en partie en télétravail et en partie dans les locaux de l’entreprise. Certains autres peuvent être exécutés entièrement en télétravail. Les aspects juridiques de cette organisation du travail méritent dans le futur postérieur à la crise de Covid-19, d’être saisis par les organisations syndicales et patronales et/ou le législateur pour offrir un cadre légal qui les prenne en compte globalement.


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